Depuis de nombreuses années, notre travail est focalisé sur les maladies neurologiques d'origine génétique qui empêchent le développement normal du cerveau des enfants. Plus spécifiquement, nous étudions les encéphalopathies épileptiques (DEE), le syndrome de Rett et les formes syndromiques de déficience intellectuelle.
Nous avons trois objectifs principaux :
Notre équipe est composée de 4 chercheurs permanents (Inserm et CNRS), 2 médecins 2 ingénieurs et un nombre variable de post-doctorants et étudiants. Nous avons des compétences complémentaires dans le domaine de la génétique clinique, de la génétique moléculaire, de la neurophysiologie, de l'électrophysiologie et de l'étude du comportement animal.
N'hésitez pas à nous contacter à cette adresse <laurent.villard@univ-amu.fr> si vous voulez nous rejoindre.
Nos travaux sont présentés en détails ci-dessous.
L’épilepsie est une affection neurologique fréquente (environ 1%) et très hétérogène. Parmi les différentes formes d’épilepsie de l’enfant, l'équipe s'intéresse à un groupe d’épilepsies génétiques rares : les encéphalopathies épileptiques et développementales (DEE). Ces pathologies sont caractérisées par : 1- leur survenue précoce, dès les premières semaines de vie ; 2- des manifestations cliniques à type de myoclonies erratiques, des spasmes et/ou de crises partielles quasi-continues ; 3- un EEG interictal très anormal ; 4- une évolution très sévère avec une mortalité importante pendant les premières années de vie ; 5- une absence de traitement efficace, en particulier des anti-épileptiques conventionnels. L'immense majorité des cas étant sporadique, le seul moyen d'intervenir efficacement sera de mettre au point de nouvelles approches thérapeutiques. C'est notre objectif affiché.
> Activité de diagnostic hospitalier
Depuis plus de 10 ans, Laurent Villard supervise le diagnostic moléculaire des épilepsies d'origine génétique au sein de l'Assistance Publique Hôpitaux de Marseille. Il dispose pour cela d'un agrément de l’Agence de Biomédecine. Cette activité permet de poser un diagnostic dans 40% des cas quand les crises sont présentes dès la première semaine de vie, permet de renforcer la connaissance clinique et moléculaire de la pathologie, et de renforcer l'expertise de l'équipe en la matière ; elle permet d'augmenter la taille des cohortes déjà constituées et de développer des projets de recherche à visée translationnelle (cf. infra). Avec nos collègues des CHU de Lyon, La Pitié Salpétrière et Strasbourg nous avons créé en 2015 un réseau national de diagnostic des épilepsies génétiques (réseau ANPGM EPIGENE ; voir PMID 35091117). La cohorte hospitalière a désormais dépassé les 2500 patients.
> Identification de nouveaux gènes
En collaboration avec l'équipe de Kerstin Kutsche à Hambourg, nous avons identifié deux nouveaux gènes d'épilepsie néonatale (PMID 20890276). Il s'agit de deux sous-unités du récepteur NMDA codées par les gènes GRIN2B et GRIN2A. En collaboration avec d'autres équipes, nous avons également démontré que les mutations hétérozygotes composites dans le gène TBCD124 sont fréquentes et provoquent plusieurs types d'épilepsie (PMID 23526554; PMID 25769375; PMID 26207815).
Nous avons participé à l'identification d'un nouveau gène d'encéphalopathie épileptique avec l'équipe de génétique du CHU de Dijon (PMID 24995870). Plus récemment, nous avons identifié plusieurs gènes grâce au séquençage d'exome : UBR5 étudié avec Philippe Campeau au Canada (article en préparation), PCDHGC4 (PMID 34244665), KMT2E (PMID 31079897) ou SYT1 actuellement étudié en collaboration avec l'équipe de James Rothman à Yale (USA). Nous avons également participé à la mise en point d’un système prédictif pour les gènes de pathologies liés au chromosome X (PMID 36323681).
Notre équipe a obtenu un financement H2020 dans le cadre de l'appel Twinning 2019. Ce programme nous a jumelé avec la Tunisie afin de mieux appréhender le paysage moléculaire des épilepsies récessives (Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital Hedi Chaker de Sfax). Des études génétiques utilisant le NGS seront désormais effectuées à Sfax (PMID 34273994) puis éventuellement partagées avec notre équipe pour l'analyse des variants et leur étude fonctionnelle.
> Physiopathologie des DEE
Le gène KCNQ2 est le gène majeur des DEE néonatales. Ce gène code pour une sous-unité d'un canal potassique produisant le courant M, responsable de la phase d'hyperpolarisation consécutive à un potentiel d'action. A travers l'activité de diagnostic de l'équipe, nous avons identifié plusieurs dizaines de variants pathogènes de novo dans ce gène. Historiquement, les variants pathogènes de KCNQ2 étaient connus chez des patients ayant une épilepsie néonatale familiale bénigne (BFNS). Chez les patients BFNS, le pronostic neurologique est bon et le développement est globalement normal. Les formes sont volontiers familiales. Le fait que des variants pathogènes dans le même gène provoquent des tableaux cliniques si différents (et si sévères) nous a conduit à émettre l'hypothèse que le canal potassium contenant KCNQ2 pourrait être différemment affecté dans les deux populations de patients. Nous avons donc construit un programme de recherche sur la physiopathologie des DEE liées aux mutations de KCNQ2 en collaboration avec l'INMED (Inserm U1249), l'INT (CNRS UMR7289) et i-Stem (Centre d'Etude des Cellules Souches, Evry) (financement ANR 2014 et ANR 2019, L. Villard coordinateur).
Afin de disposer de modèles cellulaires adaptés à nos projets, nous avons produit des lignées de cellules pluripotentes induites (iPS). Grâce à sa collaboration avec i-Stem, notre équipe a appris à produire des neurones corticaux humains matures. Nous avons également produit le premier modèle de DEE liée au gène KCNQ2 sous la forme d’une souris knock-in qui contient un variant récurrent associé à un phénotype sévère et typique (pour revue sur les modèles voir PMID 36047730). Nos travaux récents montrent que ce modèle reproduit parfaitement la pathologie attendue (PMID 32239694). Ce modèle a suscité l'intérêt de plusieurs compagnies pharmaceutiques et nous avons entamé des essais pharmacologiques pour certaines molécules candidates issues de ces compagnies (NDA et licences non exclusives signés).
Nos recherches sur les DEE liées à KCNQ2 ont d’ores et déjà abouti à des résultats originaux concernant les mécanismes de l'épilepsie. Nous avons démontré que certaines mutations sont capables d'induire une délocalisation des canaux KCNQ2, ce qui constitue un nouveau mécanisme pour cette pathologie (PMID 26007637). Un autre travail a montré que certaines mutations gain de fonction avaient un effet similaire aux mutations perte de fonction (PMID 27030113). Plus récemment, nous avons montré le rôle de Kcnq2 dans la genèse des rythmes moteurs et caractérisé l'activité corticale chez les souris knock-in de l'équipe (PMID 33186352; PMID 35389519). Nous avons également mis au point un système de déclenchement des crises à volonté dans ce modèle et caractérisé les régions cérébrales activées par les crises (PMID 37187037).
> Projets
Le consortium financé par l'European Joint Program on Rare Diseases 2020 (France, Belgique, Allemagne, Italie – projet TreatKCNQ) auquel nous appartenons a pour objectif de mettre au point et de tester des dérivés plus sûrs et plus efficaces de la retigabine, une molécule active sur les canaux potassiques KCNQ mais qui a été retirée du marché à cause d'effets secondaires inattendus. Le projet vise également à identifier de nouveaux activateurs et bloqueurs des canaux KCNQ qui seront testés dans nos modèles (neurones humains et souris knock-in). Nous avons désormais identifié plusieurs molécules candidates que mon équipe va tester. Nous étudierons aussi le potentiel des oligonucléotides antisens pour réaliser des inactivations allèle-spécifique.
En parallèle, nous avons poursuivi l'étude du segment initial de l'axone (AIS) dans les modèles neuronaux humains et dans la souris knock-in afin de déterminer si des mécanismes de compensation liés à la structure de l'AIS se mettent en place dans les DEE liées à KCNQ2. Nous avons débuté des études "omiques" (RNA-seq et protéomique) dont les résultats vont être complétés et intégrés dans les mois qui viennent (avec l'aide de l'équipe de biologie des systèmes de notre unité, Anaïs Baudot). Nous avons prévu d'étudier les modifications neurochimiques dans le cerveau de nos animaux modèles. Nous disposons d'un système d'enregistrement sur microélectrode arrays qui va nous servir à étudier la signature électrophysiologique des neurones humains issus de patients.
Axe 2 : Déficiences Intellectuelles : des causes à la physiopathologie
Les troubles du neurodéveloppement (TND) sont des affections fréquentes qui touchent environ 1 français sur 10. Parmi ces pathologies, on trouve les troubles du développement intellectuel (TDI) qui se définissent par « un déficit général des capacités intellectuelles accompagné par une altération du fonctionnement adaptatif » Ces affections sont un motif fréquent de consultation médicale, puisqu’elles concernent près de 3 % de la population générale. Les TDI sont des troubles extrêmement hétérogènes, cliniquement et génétiquement, et leurs origines sont très diverses. Malgré les progrès en cytogénétique et en biologie moléculaire de ces dernières années, l’origine de près de 50% des TDI reste encore indéterminée. L’identification de la cause de ces maladies est essentielle pour poser un diagnostic et proposer une prise en charge adaptée des patients. D’un point de vue plus fondamental, l’identification des causes des TDI nous permettra de mieux comprendre le développement du cerveau et la mise en place des fonctions cognitives.
De par notre étroite collaboration avec les services de génétique clinique et de neurologie pédiatrique, nous avons commencé la création d’une cohorte de plus d’une vingtaine de patients présentant des TND. Grâce à la technique du séquençage de l’exome, nous avons ainsi pu décrire deux nouveaux syndromes en identifiant des variants dans les gènes PCDHGC4 (PMID : 34244665), responsable d’un nouveau syndrome neurodéveloppemental associant DI, microcéphalie, épilepsie et atteintes articulaires, et NAPB (PMID : 37014259) qui entraîne une encéphalopathie épileptique et développemental (DEE) spécifique. Nous avons également identifié des variants dans des gènes connus tels que TRAPPC2L (PMID : 36849228), DYNC1H1, SNX14 ou NDST1 (article en révision).
Cependant, malgré la puissance de l’exome, environ 25 % des patients de notre cohorte sont encore sans diagnostic. Pour ces derniers, nous voulons améliorer les outils bio-informatiques pour mieux identifier des CNV (Copy Number Variation) ou des éléments transposables qui pourraient expliquer la pathologie. Dans ce but, nous participons à une étude pilote menée par le Dr. S. Gorokhova, en collaboration avec la plateforme de génomique et de bio-informatique (GBiM, Genomic Bioinformatic Marseille) hébergée par le MMG, qui a obtenu le soutien financier de la Fondation Maladies Rares.
En parallèle, nous voulons également combiner l’analyse du transcriptome aux données de séquençage, que ce soit l’exome ou le génome. Le transcriptome, obtenu par le séquençage de l’ARN (RNASeq), permet de quantifier l’expression des transcrits et d’identifier des transcrits alternatifs. Nous voudrions analyser le transcriptome issu du sang ou des fibroblastes des patients, soit de neurones dérivés d’iPSC (cellules souches pluripotentes induites) pour ne manquer aucun gène qui serait spécifiquement exprimé dans les neurones.
Lorsque des variants sont identifiés dans un gène, il est essentiel de réaliser une étude fonctionnelle approfondie afin de confirmer leur implication dans la pathologie observée chez les patients. Récemment, nous avons mis en évidence le même variant homozygote, chez deux familles indépendantes, dans un gène connu pour être responsable de TDI : le gène NDST1 ((N-déacétylase/N-sulfotransférase member 1). Ce gène code pour une enzyme bi-fonctionnelle indispensable à la formation de l’héparane sulfate. Cependant, aucune analyse fonctionnelle des différents variants identifiés n’avait été faite. Afin de discriminer entre un polymorphisme rare, qui n’expliquerait pas la maladie, et un variant pathogène, nous avons établi une collaboration avec le Dr. Lena Kjellén (Université d’Uppsala, Suède) pour évaluer les activités enzymatiques de la protéine mutante (article en révision).
Afin de compléter ces résultats, nous aimerions poursuivre l’étude des différents variants identifiés pour confirmer que les deux domaines de cette enzyme sont bien impliqués dans la pathologie.
L’autophagie est un mécanisme d’autodigestion des composants intracellulaires qui joue un rôle physiologique essentiel dans la croissance cellulaire, la différenciation et surtout le maintien de l’homéostasie en éliminant et en remplaçant continuellement les protéines et organites non fonctionnels. Cette voie est d’autant plus importante dans les neurones puisque ce sont des cellules post-mitotiques. Récemment, nous avons mis en évidence un variant, chez deux frères présentant un TDI syndromique, dans un gène impliqué dans la voie de l’autophagie : le gène RMC1 (Regulator of Mon1-Ccz1). Ce gène code une protéine qui régule l’activité du complexe Mon1-Ccz1 qui est nécessaire au recrutement de Rab7 et à la maturation de l’autophagosome. Comme ce gène n’est relié à aucune maladie connue et qu’aucune autre famille n’a encore été identifiée, la validation fonctionnelle de ce variant est indispensable.
Nos premiers résultats sont encourageants puisqu’ils montrent que la voie de l’autophagie semble être perturbée dans les fibroblastes des patients. La suite de notre projet consistera à confirmer ses résultats et à analyser plus en profondeur la voie de l’autophagie dans les fibroblastes. Nous voulons également développer des neurones dérivés d’iPSC pour étudier cette voie dans ces cellules où l’autophagie joue un rôle primordial dans l’homéostasie des protéines et des organites, et permet la croissance axonale et le développement des épines dendritiques. Nous pourrons également étudier leurs propriétés électrophysiologiques à l’aide d’un système MEA (multi-electrode array) qui nous permettra d’analyser la communication au sein du réseau neuronal.